Sa dernière visite, la plus brève et la moins connue, s’est déroulée en 1970 à Nouadhibou, où il eut une audience avec sa Majesté Hassan II (1929-1999), roi du Maroc, alors en conciliabule avec les présidents Mohamed ben Brahim Boukharouba alias Houari Boumediene (1932-1978) d’Algérie, Habib Bourguiba (1903-2000) de Tunisie et Me Moctar Ould Daddah (1924-2003) de la République islamique de Mauritanie. Ces dirigeants du Maghreb tenaient à harmoniser leurs différents points de vue sur le Sahara occidental alors sous domination espagnole.
Son père, Sîdy Ould Khayri dit Dî (1900-1991), était un as des sciences mystiques ; les miracles qu’il faisait restent encore gravés dans la mémoire de tous ceux qui l’ont connu. Malgré toute sa stature spirituelle, Sîdy Mouhammed Ould Khayri décida de s’affilier à la Faydâ et devint un disciple totalement engagé à Bâye à l’image de notre sainte mère, son épouse, Saydâ Fatoumétou Zahrâ Mint Add dite Dâiya, sœur d’Abdallâh Ould Abdallâh, de Seydî Ahmed Ould Add alias Oustâz, l’éminent professeur, ci-devant recteur de la mosquée-zawiya de Matâ-Moulâna et actuel imam de celle de Boubacar, d’Ahmed Mahmoûd Ould Eybe et d’Aïchétou Mint Mouhamdi Ould Beddi.
La famille Khayri appartient à la tribu des Idaw ‘Alî issus de Seydi Hassan Ibn Fâtoumatou Bint Rassoûloulâh, un des rameaux d’Ahl al-Bayt très illustre en Mauritanie notamment dans la région de Boubacar, du nom de Boubacar ben Âli, l’ancien émir du Trarza.
C’est grâce aux Idaw ‘Âli et, plus précisément à leur branche méridionale que, par le biais de Seydî Mouhammad Hâfîz Singhetti, la confrérie tidjâne s’est répandue en Afrique de l’Ouest.
Cheikh Ould Khayri qui a amplement bénéficié de la sympathie de son entourage immédiat, en l’occurrence, ses frères et sœurs dont Seydî Mouhamadou Yahyâ, Seydî Mouhamdi et Seydî Mouhammadou Lamine, passait le plus clair de son temps à lire le Coran et à méditer. Il s’amusait rarement avec ses camarades d’âge et, par-dessus tout, il était très attaché à Cheikh Bâye, le maître que, par la volonté d’Allâh, il s’est librement choisi dès 1968, année de son affiliation à la Tidjâniyya.
Parallèlement à ses études islamiques (Coran, hadith et science mahadique), Cheikh Ould Khayri a fréquenté l’école primaire franco-arabe et le collège de Rosso, puis le lycée national de Nouakchott où il obtint le baccalauréat. Par la suite, il réussit au concours d’entrée à l’Ecole normale de la même ville d’où il sortit avec le grade d’instituteur. Pendant longtemps il a exercé les fonctions de conseiller pédagogique à l’Académie du Trarza sise à Rosso.
En 1975, à travers la profondeur de ses discours et la sainte attitude dont il faisait toujours montre, sa famille comprit que quelque chose de très important était en passe de se produire. En cette année de grâce, à l’occasion de la dernière visite de courtoisie (ziyâra) qu’il décida de rendre à Mawlânâ Cheikh Ibrâhîma NIASS, Seydî Mishriy demanda à Cheikh Ould Khayri, alors en résidence temporaire à Nouakchott et âgé seulement de vingt et un ans, de l’accompagner. Evidemment, « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. »
C’est ainsi que, ensemble, Mishriy et Cheikh Ould Khayri firent le voyage de Rosso à Kaolack et se joignirent à la forte procession qui, le samedi 28 juin 1975, suivit Cheikh Ibrâhîm de Médîna-Bâye à Dakar. Il se rendait à Londres pour un suivi médical. Il y perdit la vie le samedi 26 juillet suivant.
Auparavant, le 29 juin, peu avant le décollage de l’avion de l’aéroport de Dakar-Yoff, Mishriy pria le Cheikh-al-Islam de bien vouloir lui donner l’assurance qu’ils se reverraient ici-bas. Ce dernier lui demanda de réciter la Fâtihâ. Mishriy y obtempéra par trois fois. C’est par le verset 106 de la sourate 02 : « Si nous abrogeons un quelconque verset ou que nous le faisons oublier, nous en apportons un meilleur, ou un équivalent… Ne sais-tu pas que vraiment Dieu est capable de tout ? » que, de l’hôpital de Londres, où il était interné, Bâye laissa entendre à Cheikh Hassan CISSE que sa succession spirituelle, avant même qu’elle ne fût à l’ordre du jour, était dans le domaine du possible.
30 juin 1975. Sur le chemin de retour vers la Mauritanie, à hauteur du village de Njawdoune, entre Saint-Louis et Ross-Béthio, Mishriy, qui n’a jamais caressé l’idée de survivre un seul instant à Bâye, succomba à un cruel accident suite à des tonneaux que fit sa voiture. Seul, il en fut projeté après que l’une des portières fut brutalement ouverte.
Son vœu de ne jamais avoir le malheur d’être informé de la disparition du Cheikh al-Islam était ainsi exaucé par le tout Puissant. Cheikh Ould Khayri était la dernière personne à s’être entretenue avec le plus illustre, le plus généreux, le plus féru en mâ’rifa de tous les disciples de Bâye de son époque. Dans son propre turban, le jeune miraculé enveloppa la tête du défunt.
La mort subite de Seydî Mouhammad Mishriy attrista toute la jama’a de Mawlânâ Cheikh Ibrâhîm, plus particulièrement celle de la Mauritanie dont Matâ-Moulâna (le don de Dieu), l’étincelante place soufie.
Cette cité bienheureuse que le disparu a fondée en septembre 1958 est aujourd’hui sous la sage guidance de Cheikh Hâdj Mishriy, fils aîné du défunt, brillant intellectuel et, de surcroît, fidèle continuateur de l’œuvre d’édification de sa très cosmopolite ville-lumière peuplée de plus de 3 000 âmes. Cheikh Hâdj Mishriy est aussi un camarade de promotion de Cheikh Ould Khayri. Dans l’un des dortoirs de l’internat du lycée national de Nouakchott qu’ils ont fréquenté à la fin des « années soixante », les deux frères et amis partageaient le même cagibi tenant également lieu de coin de dévotion.
Pour en revenir à Seydî Mouhammad Mishriy Ould Hâdj, il convient de rappeler que toute sa vie durant, il s’était employé à assimiler, enseigner et mettre en pratique la pensée prodigieuse de Cheikh Ibrâhîm à qui il vouait sa sainte vie et tous ses biens ; il fut le premier mouqaddam à avoir fait don à Bâye de bovidés à l’occasion d’une commémoration de la naissance du Prophète (sas).
La disparition concomitante de Cheikh Bâye et de Mishriy plongea la oummah en général, et les grands foyers soufis en particulier, dans un émoi indescriptible. Dans cette sous-région africaine, jamais des cœurs ne furent autant brisés par quelque événement que ce fût.
La nature ayant horreur du vide, les disciples de Mauritanie souhaitèrent trouver sans délai un homme capable d’étancher leur grande soif ma’arifale ; très tôt, ceux qui étaient « capables de lier et de délier » furent émerveillés par la vaste culture ésotérique de Cheikh Ould Khayri.
Le fils de Dî et de Dâiya répondait aisément à toutes les questions que son entourage composé d’éminents â’rifoûni billâh ne cessait de lui poser pour tester l’exubérance de son savoir. Peine perdue, Cheikh en savait beaucoup plus qu’on ne pouvait l’imaginer et, mieux, de la manière la plus raffinée !
Oustâz Ahmed Ould Add, Seydî Mouhammed Moctâr Ould Hindy, Seydî Abdallah Ould Rabbânî, Seydî Ahmédou Vâl Oud el-Béchîr et tant d’autres sages conclurent que, malgré son jeune âge, Cheikh Ould Khayri était le seul Pôle capable d’occuper parfaitement tout l’espace spirituel laissé vacant.
C’est ainsi que, en un temps record, des centaines de musulmans de tous âges et de toutes races lui firent allégeance et, ce, conformément à la sourate 05, v 35 : « Hô les croyants ! Craignez Dieu et cherchez le moyen d’accéder à Lui et luttez dans Son sentier. Peut-être serez-vous gagnants ».
En 1977, soixante-dix-sept aspirants obtinrent la fat’ hou rabbânî (ouverture spirituelle). C’est Cheikh lui-même qui animait le récital ou zikroulâh, comme le recommande Allâh : « Et quand vous aurez achevé vos rites, alors invoquez Allâh comme vous invoquez vos pères, et plus ardemment encore… » Sourate 2, verset 200…
«Et très certainement, Nous savons que la poitrine se serre, en vérité, pour ce qu’ils disent… Eh bien, chante Pureté de ton Seigneur, par la louange, et sois de ceux qui se prosternent… et adore ton Seigneur jusqu’à ce que vienne à toi la certitude ! » S. 15, versets 97 à 99.
C’est également en 1977 que Cheikh Ould Khayri effectua son premier pèlerinage aux lieux saints de l’Islam…
Le dimanche 30 avril 1978, une communauté assez importante quitta définitivement la bourgade de Mâta-Moulâna. Ces éminentes personnalités parvinrent au village de Boubacar, leur localité actuelle, dont le puits foré en 1927 et en 1952 était tari parce que hors d’usage pendant une génération. Seydî Sidy Mouhammed Ould Khayri et son vénéré fils Cheikh s’y rendirent dès leur arrivée et y formèrent des vœux que Dieu exauça sur-le-champ.
Curieusement, au grand bonheur des émigrés ou mouhâjiroûns, une eau propre et limpide sortit des antres de la terre et remplit la vieille excavation qu’on donnait perdue pour jamais. Hommes et bêtes pouvaient se désaltérer sans difficulté. Par la suite, d’autres familles rejoignirent les premiers immigrés.
Ces émigrés représentaient une frange considérable de la population de Mâta-Moulâna d’alors, à savoir : hel Khayri, hel Add, hel Hindy, hel Rabbâny, hel Maham, hel Moustaba, hel Sâleck, hel Nah, hel Ghâh, hel Khâl, hel Ibrâhîm, hel Véten, hel Zamal, hel Mih, hel Léchek, hel Horma, hel Eybe, hel Ahmad, hel Lemrôt, hel Braham, hel Omar,hel Abb’a, hel Moullâye el Bachîr, hel Amîn Vâl, hel Ahmed… Mais aussi d’éminentes personnalités telles Chérif Ahmed Dâl Ould Yoûssouf, Seydî Sîdy Bâba, Seydî Ahmed Ould Tolba, Cheikh Sîdy Ahmed, les hel Atmâne, Mouhamdîne, Ghayid, Samba, Anayel, etc.
En 1982, Thiêrno Harouna SOW de Hâyré-Lâw, par l’entremise d’Ahmédou Vâl Ould el-Bachîr, fut le premier négro-africain à avoir eu le privilège d’embrasser la Faydâ sous l’ère et la bannière de Mawlânâ Cheikh Ould Khayri, toutefois, en 1983, guidé par Cheikh Ould Fôfa de Bareïna, Thiêrno Souleymâne SALL de Doûmga-Lâw, quoique initié par Thiêrno Harouna, a précédé tous ses condisciples à Boubacar-la-pieuse.
Son épouse Fâtimata BARO peut, elle aussi, être considérée comme la devancière de ses consœurs dans cette bourgade où elle a séjourné, deux ans durant, au service de la famille Ould Khayri.
D’autres aspirants dont Thiêrno Ibrâhîma Mahmoûd DIALLO de Podor, notre talentueux formateur, Thiêrno Âly THIÂM de Nyâbina, Thiêrno Ahmadou Demba DIALLO de Dâra-Diolof, Thiêrno Abou Yoûssouph ÂW de Bagodine, Thiêrno Abdoulâye ÂTHIE, Thiêrno Mountaghâ SOW, Thiêrno Ahmadou Demba Asset BÂ, Thiêrno Ismaïla DIÂ, Thiêrno Âli KÂ,Thiêrno Siddâti SOW, Thiêrno Abbâs SOW et son cadet Thiêrno Hâdi SOW, Thiêrno Alphâ SOW, Thiêrno Ousmâne LY et son grand frère Thiêrno Dâhâ LY, Thiêrno Abou SOW, Thiêrno Ousmâne KÂ, Thiêrno Abdoulâye Badara SOW,Thiêrno Housseynou Bâba-Ndiâye KÂ, Thiêrno Moustaphâ BÂ, Thiêrno Ahmadou KÂ, Thiêrno Hammâth NDIÂYE … par vagues successives, arrivèrent à Boubacar pour, derrière le très vaillant Thiêrno Harouna SOW, constituer le premier collège des initiateurs-éducateurs.
Ce sont ces hommes d’élite qui, élevés au très prestigieux grade de mouqaddam, transmirent ou transmettent encore le Savoir sublime à travers le monde.
Sans jamais désemparer le moins du monde, et, malgré les nombreuses tribulations rencontrées à Nouadhibou, Zouérate, Médîna-Bâye, plus particulièrement à Hâyré-Lâw, eux et leurs proches se sont irréversiblement engagés au près de Mawlânâ Cheikh Ould Khayri pour contribuer au triomphe de la Tidjâniyya par le biais de la formation-élevation spirituelle des milliers de disciples que compte la Jama’a de Mawlânâ Cheikh Ould Khayri, fidèle continuateur de la propagation de la sainte mission de Mawlânâ Cheikh Ibrâhîma NIASS, le père fondateur de la Faydâ-Tidjâni.